Elle est une incessante filmeuse, lui un habile tireur de portraits. Glaneuse des champs, elle aime la compagnie des gens modestes. Artiste urbain, il agrandit ses tirages dans son camion-labo avant de les afficher en plein air. La cinéaste a l’expérience du documentaire, genre Depardon. Le photographe, l’audace du « street-art », tendance Pignon-Ernest. Tous deux savent faire parler les images et ont la fantaisie en partage. Agnès Varda et JR étaient faits pour se rencontrer.
Cela donne un film sans scénario, sans histoire et sans héros. Juste avec des rencontres de gens saisis avec une infinie tendresse. Cela donne lieu surtout à quelques jolis moments. Comme cette « survivante » des corons émue par sa silhouette géante sur sa maison condamnée ; le carillon à tout va des cloches d'une église du midi ; le moment de notoriété de trois femmes de dockers havrais "mises" en conteneurs ; un village fantôme vu du ciel normand ; le train de marchandises qui emporte l’empreinte des pieds et des yeux d’Agnès et l’émouvant final sur les bords du lac Léman, à la recherche de l’ami Jean-Luc Godard...
Tout au long de ce "road trip" dans la campagne française, la complicité des duettistes ne se dément pas. Quand JR parle de rencontres « Meetic », Agnès préfère comprendre « mystiques »... Mais il y a complicité sur l’essentiel, pour « emmagasiner des images avant qu’elles ne fichent le camp dans les trous noirs de notre mémoire ». Visages Villages est un film plein de grâce et de poésie. A la fois léger et chargé d'émotion. Regards croisés d’une grande petite dame, facétieuse sous sa coiffe de panda, avec un saltimbanque à chapeau et lunettes noires - tiens, on dirait Godard ! Merci pour ce bijou et vive les artistes !